L’agriculture est en train de vivre l’une des mutations les plus profondes de son histoire. Portée par des avancées technologiques, notamment l’intelligence artificielle, le big data ou encore les objets connectés, cette transformation est déjà perceptible sur le terrain. En témoigne l’intervention récente de l’économiste Philippe Dessertine, qui, en 2024, évoquait lors de notre forum Agrinovembre la rupture technologique en cours dans le secteur agricole, comparable à celle qui a bouleversé l’industrie ou la finance.
Cette révolution s’inscrit dans un contexte socio-économique et environnemental complexe. Le réchauffement climatique impose une adaptation rapide des pratiques culturales en vigueur depuis des décennies. Dans le même temps, la pression démographique exige une augmentation durable de la production alimentaire, tandis que les consommateurs expriment des attentes nouvelles en matière de qualité, de traçabilité et de respect de l’environnement. Dans notre pays, le projet France 2030 traduit en partie cette volonté de mieux et plus produire pour mieux nourrir et continuer à exporter. Ce plan répond aussi à une réalité de terrain : le manque de main-d’œuvre qualifiée, le vieillissement des chefs d’exploitation, et la difficulté croissante à assurer la transmission des exploitations agricoles aux jeunes générations.
Dans cet environnement en mutation, l’Agtech – contraction entre « agriculture » et « technologie » – émerge comme une réponse concrète aux défis de demain. Loin d’être un simple mot-valise, ce concept regroupe un ensemble d’innovations technologiques au service de la performance, de la durabilité et de l’attractivité du secteur agricole.
1- Agriculture de précision : les données au service des agriculteurs
L’agriculture de précision repose sur une idée simple mais importante : produire mieux avec moins d’eau, d’énergie ou d’intrants (engrais, produits phytosanitaires), en s’appuyant sur des données précises et contextualisées. Dans des systèmes de culture avancés, des capteurs mesurent en temps réel différents paramètres (humidité du sol et de l’air, température, etc.) afin d’ajuster l’irrigation aux besoins exacts des cultures. Des stations météo connectées, couplées à des Outils d’Aide à la Décision (applications numériques), permettent d’anticiper les épisodes climatiques critiques et de mieux gérer les risques liés aux maladies ou au stress hydrique.
L’intelligence artificielle joue ici un rôle décisif. A l’aide d’algorithmes et de données issues du terrain, collectées par des capteurs, satellites ou drones, elle est capable d’identifier des schémas, de détecter des anomalies et de formuler des recommandations. Cette analyse prédictive allège considérablement la charge mentale des agriculteurs tout en augmentant la fiabilité des décisions prises sur le terrain.
Les drones agricoles illustrent parfaitement cette logique. En survolant les parcelles, ils capturent des données visuelles exploitables, souvent indétectables à l’œil nu. Ces images, une fois analysées, permettent de repérer des zones carencées, des maladies émergentes ou des infestations localisées. L’agriculteur peut alors intervenir plus rapidement, de manière ciblée, avec un usage raisonné des intrants.
2- Automatisation du travail agricole
L’automatisation représente aujourd’hui un levier indispensable pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre et à la pénibilité de certains travaux agricoles. Les robots agricoles interviennent dans les champs pour désherber, récolter ou conditionner des produits, avec une précision et une régularité difficilement atteignables par l’Homme. Dans les étables, la traite automatisée ou l’alimentation programmée permettent de gagner en efficacité tout en améliorant les conditions de travail.
L’essor des objets connectés profite en effet aussi à l’élevage, à travers des dispositifs comme les colliers intelligents pour bovins. Ces équipements mesurent en temps réel l’activité, l’alimentation ou encore les périodes de chaleur, offrant à l’éleveur une vision plus fine de l’état de santé de ses animaux. Ce suivi comportemental favorise une meilleure compréhension des animaux, une détection précoce des anomalies, et donc une amélioration du bien-être animal.
Enfin, la réalité virtuelle s’impose progressivement comme un outil de formation pour les nouvelles générations d’agriculteurs. Elle permet de simuler la conduite d’engins agricoles, les manipulations en élevage ou encore les interventions d’urgence, dans un environnement sécurisé et sans risque pour les animaux, le matériel ou les apprenants, qui peuvent s’entraîner sans conséquences en cas d’erreur. Ainsi, la société Grégoire, membre du cluster machinisme, a participé au développement d’un simulateur de machine à vendanger.
Certaines entreprises comme Agreenculture ou John Deere vont plus loin en intégrant cette technologie dans le pilotage à distance des équipements, permettant des réglages précis sans quitter le siège de l’exploitation.
John Deere a révolutionné le fonctionnement des moissonneuses-batteuses en intégrant des systèmes embarqués capables d’ajuster automatiquement les réglages en fonction des conditions de récolte. Grâce à l’intelligence artificielle et à des capteurs en temps réel, ces machines optimisent la qualité du grain, réduisent les pertes et soulagent l’agriculteur, qui n’a plus besoin d’intervenir manuellement à chaque changement de parcelle. Cette automatisation marque une étape décisive vers une agriculture de précision totalement pilotée par la donnée.
3- La transparence au service des consommateurs : la blockchain en agriculture
Dans un monde où la transparence est devenue une exigence, la blockchain offre aux acteurs agricoles une solution technologique fiable pour sécuriser et tracer l’ensemble des étapes de la production à la consommation. Cette technologie permet de répondre à une attente croissante des consommateurs : savoir exactement d’où viennent les produits qu’ils consomment, comment ils ont été cultivés, transportés et transformés. Encore peu présente dans le monde agricole, c’est une véritable opportunité pour le secteur.
Concrètement, la blockchain, qu’on peut traduire par « chaîne de blocs », est une technologie de stockage et de transmission d’informations, sécurisée, transparente et décentralisée. Imaginez un carnet numérique partagé entre tous les acteurs d’une filière, où chaque information inscrite (comme une date de récolte, un traitement appliqué ou un déplacement logistique) est enregistrée dans un bloc, relié aux précédents, et impossible à modifier sans que tout le système ne le sache. Chaque acteur peut consulter l’ensemble des données, mais aucune information ne peut être supprimée ni falsifiée.
Appliquée aux pratiques agricoles, cette technologie permet de retracer avec précision le parcours d’un aliment, du champ à l’assiette. Elle garantit l’authenticité des labels de qualité, sécurise les échanges entre les maillons de la chaîne, et rassure les consommateurs sur les conditions de production ou d’élevage. Pour les producteurs, c’est un levier de différenciation et de valorisation de leurs bonnes pratiques ; pour les clients finaux, c’est un outil de confiance et de réassurance.

4- Pôles d’innovation : le rôle clé des technopoles comme Agrinove
Dans cette dynamique d’innovation agricole, les technopoles jouent un rôle structurant. Ce sont des territoires dédiés à l’innovation, qui rassemblent des entreprises et des structures d’accompagnement et de formation afin de favoriser le développement des projets.
À Nérac, en Nouvelle-Aquitaine, Agrinove s’affirme comme un acteur de référence pour accompagner les projets Agtech. La technopole offre aux start-ups liées à l’agriculture un cadre propice à l’expérimentation, avec des terres agricoles disponibles, des ateliers, et un écosystème d’acteurs publics et privés facilitant le développement du réseau professionnel.
Au-delà du soutien technique, Agrinove valorise les initiatives locales, encourage l’innovation collaborative, et favorise la mise en relation entre entrepreneurs, agriculteurs et institutions. Le concours national Agrinove, organisé depuis 2014, constitue un levier de visibilité reconnu pour les entreprises du secteur agricole.
L’événement Agrinovembre permet quant à lui de fédérer les acteurs innovants autour d’un thème propre à chaque édition, qui préfigure l’agriculture de demain.
L’innovation technologique en agriculture n’est plus une perspective fantaisiste : elle est déjà à l’œuvre dans de nombreuses exploitations. Agriculture de précision, automatisation, intelligence artificielle, blockchain, formation immersive… Ces tendances Agtech redessinent les contours d’un modèle agricole qui veut produire plus avec moins.
Agrinove, en tant que porteur d’innovation, accompagne cette transition en soutenant celles et ceux qui inventent les solutions innovantes pour l’agriculture de demain.
Pour rester informé, suivre les avancées du secteur ou porter un projet innovant, rien de tel que de participer au concours Agrinove ou de rejoindre les échanges du forum Agrinovembre.