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BeeGuard : 10 ans après le concours, retour sur une aventure entrepreneuriale

Christian Lubat, co-fondateur de l’entreprise BeeGuard, nous a récemment fait part de son expérience lors d’un entretien, dans le cadre de la 11ème édition du concours Innovations pour l’Agriculture. Ce concours, centré sur l’Innovation dans le secteur de l’amont agricole, a été un tremplin pour de nombreuses entreprises, dont BeeGuard qui a su évoluer et s’adapter aux défis de l’agriculture. Cet échange a été l’occasion de revenir sur l’histoire de l’entreprise et la participation de Christian Lubat à la 1ère édition du concours Agrinove en 2015, d’analyser les impacts du concours et de discuter des enjeux actuels de l’innovation en agriculture. 

 

ruches connectées : installation de la solution d’aide à la décision BeeGuard

 

De l’idée à l’innovation agricole 

Pouvez-vous vous présenter et nous raconter comment est née BeeGuard ?

Je m’appelle Christian Lubat et je suis ingénieur de formation. Avant BeeGuard, j’avais déjà créé une première société spécialisée dans les objets connectés en 2007, pour laquelle on a mené un projet de recherche pour créer des capteurs afin de mesurer l’activité des abeilles. Ce projet nous a amené à fonder BeeGuard en 2015 avec l’idée d’apporter des solutions technologiques au monde agricole. La société et les solutions sont basées sur des technologies numériques (des capteurs) pour être appliquées au monde agricole. C’est un contexte particulier puisqu’il faut prendre en compte le travail en extérieur et la facilité de mise en œuvre de la technologie afin d’offrir une expérience utilisateur optimale.  

Pourquoi avoir candidaté au concours Innovations pour l’Agriculture il y a 10 ans ?

Nous avons participé au concours Agrinove pour plusieurs raisons. Déjà, c’est l’un des premiers concours qui mettait l’innovation en avant pour le secteur de l’amont agricole, et qui d’ailleurs a su perdurer depuis 2015. 

Ensuite, participer à des concours sur l’innovation apporte une valorisation du travail qui se concrétise par le fait de donner de la visibilité. C’est là tout l’enjeu d’une innovation, pour qu’elle puisse être adoptée, il faut pouvoir la faire connaître. Ce type de dispositif met en lumière des innovations qui ont marqué le jury, donc c’est l’occasion de confronter son projet à un regard extérieur. 

Derrière la nomination du concours, il y a aussi la présentation en physique et les retombées presse qui sont toujours très intéressantes dans le cadre d’un concours et particulièrement celui d’Agrinove avec son positionnement territorial assez stratégique, entre Toulouse et Bordeaux. 

Un autre point important à noter dans les motivations à participer au concours, c’est la possibilité de rencontrer des utilisateurs potentiels de notre solution et de nouer des contacts avec des acteurs du monde agricole

Quel(s) souvenir(s) gardez-vous de votre participation ?

Lorsque j’ai vu l’information du concours, j’ai le souvenir d’avoir appelé la Technopole pour leur expliquer mon projet, qui s’inscrit parfaitement dans l’agriculture et les méthodologies pour faire de l’agriculture durable, mais pas complètement dans l’axe du machinisme agricole

J’ai eu un doute sur la pertinence de ma participation au point presque de ne pas participer. 

Le retour que j’ai eu était que le concours met en avant toutes les innovations pour l’agriculture. Alors ce que je retiens et aimerais partager, c’est que si l’on n’essaie pas, on ne réussit pas. Il ne faut pas se limiter, tenter, et faire attention aux idées reçues. 

 

10 ans d’évolution : où en est BeeGuard aujourd’hui ?

Quels ont été les moments clés depuis votre participation au concours ?

Tout d’abord, avant notre participation au concours, nous en étions au stade où la première partie de recherche était déjà faite et un premier test marché avait été élaboré. Nous avions donc créé la société pour commercialiser cette solution d’outil d’aide à la décision pour l’apiculture au moment de notre participation. 

Depuis 2015, nous avons franchi plusieurs étapes importantes :

  • Nous avons commencé avec zéro salarié et un marché encore à créer ;
  • Dès le début, nous avons collaboré avec des organismes de recherche comme l’INRAE et le CNRS pour développer une solution permettant de suivre la santé des abeilles en temps réel grâce à des capteurs ;
  • En trois ans, nous avons déployé 3 000 ruches connectées en France y compris dans les DOM, mais aussi dans les pays limitrophes : en Italie, Suisse, Belgique et Espagne ;
  • En 2019, nous sommes passés à 3 salariés et nous avons lancé une nouvelle phase de R&D en intégrant de l’intelligence artificielle embarquée dans un de nos produits et de l’analyse vidéo pour arriver à compter les abeilles, être en capacité de mesurer l’effort de butinage, mieux comprendre le comportement des abeilles et les causes de mortalité au quotidien ;
  • 2022 a été une année charnière : nous avons élargi notre activité en nous consacrant aussi  à la mesure de la qualité environnementale pour les filières agricoles. Nous travaillons désormais sur deux marchés avec l’outil d’aide à la décision pour les apiculteurs et la mesure d’impact au travers de l’instrumentation de ruches existantes. Cette seconde activité nous permet de mettre des métriques sur la pollinisation, sur les actions qui seraient suffisantes et nécessaires pour promouvoir une agriculture plus durable de façon mesurée et factuelle. Cette notion de collecte de données est une attente très forte de l’agriculture – ce à quoi  Agrinove a été sensible, mettant le sujet au cœur de son dernier forum Agrinovembre avec la conférence de Philippe Dessertine.
  • Aujourd’hui, nous sommes une équipe de six personnes et notre chiffre d’affaires a augmenté de +70 % avec le positionnement sur ce nouveau marché ;
  • On cherche toujours à accélérer notre activité et à équiper plus de filières agricoles en France pour commencer et à l’international par la suite.

 

Comment voyez-vous l’avenir de BeeGuard dans les prochaines années ?

Pour l’instant on en est au lancement de notre deuxième marché du bio-monitoring (environnement, biodiversité, pollinisation), notre priorité aujourd’hui est de développer cette activité sur les filières vignes, semences, arboriculture et grandes cultures. 

Dans un deuxième temps, il y a l’aspect du développement à l’international à dynamiser sur les deux marchés : apiculture et bio monitoring. 

 

Installation de la solution beeguard

 

L’agriculture et l’innovation : un secteur en mutation

Quels sont les défis majeurs pour les agriculteurs aujourd’hui, selon vous ?

L’agriculture de précision s’est imposée. Aujourd’hui, on utilise des tracteurs guidés par GPS de haute précision pour optimiser les semis, on ajuste les apports de fumure ou d’azote en fonction de la qualité des sols, et on gère l’irrigation de manière ultra précise pour préserver les ressources en eau. Toutes les filières agricoles évoluent dans cette direction.

Parallèlement, le nombre d’agriculteurs diminue, tandis que les défis grandissent. Le changement climatique impacte directement la productivité et la biodiversité, notamment la qualité des sols et la pollinisation, qui influencent le rendement et la qualité des productions. Par exemple, la pollinisation joue un rôle clé dans la production de pommes, impactant ainsi directement leur qualité.

Il y a trois défis principaux :

  1. L’optimisation des ressources : utiliser des outils précis pour améliorer les pratiques agricoles ;
  2. L’impact environnemental : préserver la biodiversité et renforcer la résilience des plantes ;
  3. La valorisation des productions : permettre aux agriculteurs de mieux vendre leurs produits malgré une concurrence parfois inéquitable.

Aujourd’hui, il est difficile pour certains agriculteurs de vendre au juste prix des produits pourtant meilleurs tant en qualité que sur le plan de leur impact environnemental. La concurrence avec des produits étrangers à moindre coût complique cette valorisation, et la réglementation pour contrer cet effet reste limitée.

Pour se différencier, le monde agricole a besoin de métriques fiables. Sans données objectives sur la qualité et l’impact des pratiques, la valorisation des produits reste un défi. D’une manière ou d’une autre, les agriculteurs doivent pouvoir obtenir la valorisation des démarches qu’ils mettent en œuvre pour le bien commun. 

Comment voyez-vous l’évolution de l’agriculture de ces 10 dernières années ?

Il faut reconnaître qu’en agriculture, il y a au moins trois défis principaux : la transition agroécologique, la résilience vis-à-vis du dérèglement climatique, l’adaptation au marché et aux fluctuations de l’offre et de la demande. Pour les relever, on a besoin d’innovation en agriculture, et c’est certainement par l’innovation qu’on arrivera à trouver des solutions, on a besoin de connaissances sur ces trois piliers. 

Nous ne partons jamais d’une page blanche : chaque avancée repose sur les connaissances et technologies existantes. Au fil du temps, de nouvelles opportunités émergent, permettant d’affiner et d’améliorer les pratiques agricoles. Cette dynamique d’évolution continue est cruciale pour garantir une agriculture plus efficace, durable et rentable.

Comment BeeGuard répond à ces enjeux ?

Nous aidons les apiculteurs et les agriculteurs à mieux comprendre et mesurer l’impact de leurs pratiques sur l’environnement et la pollinisation. Nos capteurs fournissent des données objectives qui permettent d’aider à la prise de décision et d’améliorer les rendements tout en préservant les écosystèmes.

 

Un conseil pour les futurs candidats du concours Innovations pour l’Agriculture ?

Il faut oser. Se confronter à un jury, à un public, c’est une vraie opportunité d’affiner son projet et d’obtenir une visibilité précieuse. Participer au concours, c’est prendre le risque de le remporter, car même sans gagner, on bénéficie de retombées positives. Agrinove nous accompagne, c’est un concours à taille humaine, et pour ma part, j’ai toujours gardé contact avec les membres de l’équipe Agrinove. 

L’agriculture a besoin d’innovation pour répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain. Chaque projet a sa place, alors lancez-vous, ça vaut le coup de le tenter !