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HOPEN : 7 ans après le concours Agrinove, retour sur une aventure entrepreneuriale

Lucie Le Bouteiller, co-fondatrice de l’entreprise Hopen Terre de Houblon avec Fanny Madrid, nous a accordé un entretien afin de revenir sur son parcours depuis sa participation au concours Agrinove en 2018. Ce concours, véritable tremplin pour les innovations agricoles, a joué un rôle clé dans le développement de son projet. Retour sur l’histoire de l’entreprise, l’impact du concours et les enjeux actuels de l’innovation en agriculture.

 

Lucie Le Bouteiller lors de l’installation de Hopen – Terre de houblon à Agrinove
Lucie Le Bouteiller lors de l’installation de Hopen – Terre de houblon à Agrinove (octobre 2019)

 

De l’idée à l’entreprise agricole

Lucie, pouvez-vous vous présenter ? 

Je m’appelle Lucie Le Bouteiller, j’ai 33 ans et je suis issue d’une formation d’ingénieur agronome. Mon projet d’entreprise a émergé lors de mon projet de fin d’études, l’année même de l’obtention de mon diplôme, en 2017. Spécialisée en économie rurale et développement agricole, j’ai d’abord mené une étude qui s’est progressivement concrétisée en un projet d’entreprise avec la création d’Hopen Terre de Houblon

Racontez-nous comment est né Hopen Terre de Houblon ?

Nous étions en contact avec des brasseries, et il y a eu depuis 2013, une augmentation importante du nombre de brasseries artisanales en France avec en face, une production pas forcément adaptée en termes de matières premières, et notamment sur le houblon. 

Nous avions pour ambition de structurer une filière française de houblon en Lot-et-Garonne, en mettant en place une production adaptée aux besoins croissants des brasseries artisanales. L’idée initiale était de créer notre propre houblonnière, mais nous avons rapidement compris l’intérêt d’impliquer les agriculteurs locaux en leur proposant une diversification intéressante. 

Nous avons démarré avec une parcelle pilote dans un lycée agricole près d’Agrinove, en mobilisant un réseau de partenaires locaux autour du projet. 

Nous avons, avec mon associée Fanny à l’époque, postulé au concours Agrinove très tôt, en 2018, puisque nous venions tout juste de créer l’entreprise et étions encore au stade de l’idée. 

Pourquoi avoir candidaté au concours Agrinove ?

Le concours représentait une formidable opportunité pour donner de la visibilité à notre projet et obtenir des premiers financements. Nous avions le sentiment qu’avec notre projet, nous correspondions aux attentes du concours bien que nous étions à la tête d’une toute jeune entreprise l’année de notre participation au concours. Cela dit, nous ne pensions pas être lauréats mais nous avons décidé de tenter notre chance. 

Quels ont été les impacts de votre participation ?

Le soutien de l’équipe Agrinove et la visibilité médiatique qui en ont découlé ont été déterminants, d’autant plus que la région nous accompagnait sur un projet européen ; tout cela a fait écho dans la presse et nous avons eu de bonnes retombées médiatiques et de nombreux articles mettant en avant notre projet. Cette communication a permis de générer de nombreux retours concrets de la part des agriculteurs qui voulaient en savoir plus sur la culture de houblon et de nous faire connaître aussi en dehors du territoire du Lot-et-Garonne. 

Le concours a été aussi l’occasion d’avoir un coup de boost financier, au démarrage : nous étions tout juste diplômées, sans vraiment de ressources puisque nous étions au stade de la création d’entreprise. Le gain obtenu grâce au concours a été un vrai coup de fouet au départ et nous a permis, par effet de ricochet, d’obtenir d’autres financements, pour ensuite aller demander un prêt à la banque, puis un cofinancement à la région en plus. Ces financements mis bout à bout ont été les premières pierres à l’édifice du démarrage de l’entreprise et cela a permis de financer les deux premières années de fonctionnement. 

En 2020, grâce aux contacts que nous avions noués avec l’équipe d’Agrinove, nous avons intégré leur pépinière d’entreprises. C’était un point central entre Toulouse et Bordeaux nous permettant d’être à proximité de nos partenaires et des agriculteurs. Ce dispositif nous a permis aussi de bénéficier du réseau local d’Agrinove, de nouer de nouveaux partenariats et de bénéficier de l’accompagnement « coaching » mensuel. Cette expérience a été positive et bénéfique pour le développement de notre projet. Un autre avantage notable d’être membre de la pépinière tient au fait que nous ne sommes pas seuls, nous pouvons bénéficier de l’émulation des autres entreprises sur place. 

Quels souvenirs gardez-vous de votre participation ?

Le jour de la remise des prix, au salon de l’agriculture à Bordeaux, a été un moment fort. La remise du prix par le président de la région Alain Rousset, la reconnaissance de notre projet par des acteurs institutionnels, notamment la région, nous a apporté une crédibilité précieuse. Cette mise en avant a facilité nos démarches de financement et renforcé notre réseau professionnel.

 

Producteurs de houblon pour Hopen Terre de Houblon
Adrien et Adeline, producteurs de Houblon dans le Lot-et-Garonne

7 ans après, quel a été le parcours d’Hopen Terre de Houblon ?

En 2018, il faut savoir qu’il n’y avait aucune parcelle de houblon en Nouvelle Aquitaine. Les trois premières années ont été consacrées à la structuration de la filière amont : l’approvisionnement de matériel spécifique, la recherche des plants, l’accompagnement technique, la transformation agricole, ça a été un temps de mise en réseau avec beaucoup de partenaires différents au niveau du Lot-et-Garonne. En parallèle, nous mettions en place une première parcelle d’exploitation pour tester les variétés qui pourraient s’adapter dans la région. 

Dans un deuxième temps, nous avons développé notre activité aval, une fois qu’on avait des récoltes, environ 2 ans plus tard. Nous avons commencé à développer toute la partie commercialisation auprès de nos clients qui sont les brasseries artisanales françaises. Les premières années en très local, puis en Nouvelle-Aquitaine et aujourd’hui partout en France.  

En 2021, nous avons décidé d’élargir largement la production à d’autres départements et d’autres territoires. C’était un vrai enjeu d’accompagnement technique puisqu’il était plus difficile de suivre l’évolution de ces parcelles du fait de la distance, mais c’était aussi un choix stratégique pour fournir le plus localement possible les brasseries, et pouvoir étendre notre catalogue avec des variétés différentes selon les régions. Nous avons implanté des cultures sur plusieurs territoires comme la Charente, les Pyrénées-Atlantiques, la Vendée ou la Vienne, et également dans la Beauce, donc en dehors de la Nouvelle-Aquitaine. 

2021 a été aussi l’année où nous avons recruté notre 1er salarié et le début du développement de notre équipe commerciale. Nous avons progressivement construit une équipe, en passant de deux personnes en 2018 à sept aujourd’hui, avec des spécialistes techniques, des commerciaux et une gestion administrative. 

2023-2024 : l’entreprise s’est développée à l’échelle nationale, avec une clientèle principalement composée de brasseries artisanales.

Depuis un an et demi, le marché de la brasserie commence à se stabiliser, voire est un peu en difficulté, on est confronté à des enjeux de compétitivité et de prix. On est encore sur un marché qui importe beaucoup de l’étranger, puisque les prix y sont très compétitifs. 

 

3 producteurs de houblon devant leur exploitation
Cédric et James, producteurs de houblon charentais

 

Innovation et enjeux de l’agriculture

Quel est votre regard sur l’innovation en agriculture ? 

Notre point de vue, c’est que l’agriculture française se fait dans la diversité pour tendre vers une autonomie alimentaire. Nous croyons en un modèle où des cultures de niche apportent une forte valeur ajoutée. Dans nos projets de développement par exemple, nous cherchons nous aussi à nous diversifier en visant d’autres marchés que celui des brasseries. Nous sommes en train de développer des partenariats avec des entreprises qui font de l’extraction végétale pour valoriser le houblon et explorer de nouveaux marchés : la phytothérapie et la cosmétique. 

C’est dans ce type de filières là, à haute valeur ajoutée et très techniques en termes de savoir-faire, que l’on pourra se développer et avoir une juste rémunération. Cela ne veut pas dire abandonner les filières plus traditionnelles de grandes cultures ou de production laitière, mais de se diversifier pour aller chercher une meilleure rémunération pour les exploitants en misant sur les cultures de niche. Souvent le houblon vient en diversification sur des marchés très traditionnels.

Quelle est la mission d’Hopen face aux enjeux de l’innovation agricole et aux défis actuels ?

Au départ, avec notre formation en agronomie et développement du territoire, on pensait apporter notre pierre à l’édifice dans le secteur agricole avec des cultures à haute valeur ajoutée et la mise en avant de la diversification. Pouvoir réfléchir à une juste rémunération, et pouvoir être plus compétitif, avec l’idée de ne plus être exclusivement sur de la mono-culture ou de la production de masse, mais aller sur des produits spécifiques à plus haute valeur ajoutée. 

Aujourd’hui, pour 80% de nos producteurs, c’est une nouvelle filière sur une exploitation existante qui justifie l’installation d’un nouvel atelier, avec l’arrivée d’une nouvelle personne. Cela permet de pérenniser les exploitations en diversifiant et en trouvant une culture rémunératrice. 

Sur le secteur aval, l’objet était de diminuer au maximum les importations d’un point de vue émissions de carbone, et de valoriser les productions françaises et le terroir français. Nous essayons de mettre en avant divers terroirs français, selon les zones de production. Dans cette approche, nous avons la satisfaction de se dire que chaque kilo produit et vendu sur le territoire français et un kilo qui n’est pas importé des Etats-Unis ou de Nouvelle-Zélande. 

Vous qui avez participé à un concours sur l’Innovation, quel serait votre conseil pour les futurs candidats ?

Osez ! Au départ, nous sommes partis avec la volonté de créer une filière agricole de A à Z sur un territoire totalement vierge. C’était un projet ambitieux et nous n’avions pas vraiment d’expérience, mais on a tenté ! Notre réussite est due au fait que nous nous sommes entourées et avons développé notre réseau. Pendant notre cursus étudiant, on nous le répétait assez souvent sans vraiment l’entendre, mais on l’a bien compris au démarrage de notre projet, bien s’entourer est essentiel. 

Le concours est une véritable opportunité pour structurer son projet, rencontrer des partenaires clés et bénéficier d’un soutien médiatique. Il ne faut pas hésiter à parler de son projet, à s’entourer des bonnes personnes et à saisir toutes les opportunités de financement et de réseau.

 

Participer au concours Innovations pour l’Agriculture