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Interview du nouveau Président du cluster machinisme Denis Vicentini

Nommé nouveau président du cluster machinisme récemment, Denis Vicentini nous parle d’agro-écologie et nous présente sa vision du machinisme agricole. 

Visite de l'entreprise Comin
Denis Vicentini (à droite), lors de la visite de son entreprise par le Cluster Machinisme en 2021

Bonjour Denis, pourriez-vous vous présenter en nous exposant votre parcours professionnel ? 

Je suis fils d’agriculteur dans le Gers, j’ai commencé par des études en mécanique agricole, puis j’ai terminé mon cursus avec un diplôme d’ingénieur mécanique. Par la suite, j’ai été salarié de 3 entreprises avant de m’installer à mon compte en 2007, en créant un bureau d’études en mécanique pour réaliser des prestations de services. 

Au fur et à mesure, ma clientèle est devenue demandeuse du produit final (à savoir les machines), je me suis alors mis petit à petit à bricoler dans un hangar sur l’exploitation familiale que j’ai conservée. J’ai fini par faire la connaissance de M. Comin à Nérac qui possédait une entreprise de prestation de services en usinage et soudure. Je faisais ainsi appel à lui en tant que client pour fabriquer certaines parties de ces projets. Au moment de son départ à la retraite en 2013, j’ai repris l’entreprise Comin.

 

Pourriez-vous vous présenter l’entreprise COMIN ?

À l’époque, ⅔ de l’activité provenait de la partie usinage et soudure, c’est à dire qu’on recevait des clients qui nous apportaient des pièces à réparer.  En parallèle, il y avait aussi un magasin de pièces détachées de composants mécaniques. 

Dix ans après, nous sommes 18 à travailler dans l’entreprise. On continue bien évidement le métier d’usinage et de soudure et le magasin s’est développé, mais une nouvelle activité qui génère aujourd’hui ⅔ du CA a fait son apparition. Il s’agit de la fabrication de machines agricoles sous la marque de Roll’N’SEM, une gamme spécifique que j’ai créée de toute pièce. 

Stand de COMIN lors du salon Vinitech-Sifel en 2022
l’équipe de COMIN Industrie prête à présenter sa gamme Roll’N’Sem, dès l’ouverture du salon Vinitech-Sifel en 2022

Qu’est-ce qui caractérise cette gamme Roll’N’SEM ?

Cette marque Roll’N’SEM est le fruit d’une réflexion commune que j’ai eue avec d’autres agriculteurs, à l’époque où j’ai suivi des formations en agro-écologie entre 2012 et 2013. Au moment où je me suis intéressé à ces sujets, les inquiétudes concernaient principalement l’érosion des sols. 

Aujourd’hui, on sait que l’agriculture que l’on pratique depuis le milieu du XXème siècle détruit progressivement la fertilité des sols. En effet, depuis les années 50, on utilise soit les intrants chimiques, soit le labourage excessif (soit les deux !) pour éliminer les adventices et booster les cultures ; mais ces méthodes fragilisent le sol qui finit par glisser avec les intempéries vers les rivières, puis les océans. On se retrouve donc petit à petit sans support de culture. 

Avec certains agriculteurs avec qui j’ai tissé des liens lors de ces formations, nous avons trouvé une solution pour désherber les cultures et nourrir le sol en broyant le couvert végétal sans labourer la terre. J’ai présenté ce projet lors du premier concours Agrinove en 2015 et j’ai reçu le 2nd prix.  

Machine de la gamme Roll'N'Sem
Rolls : Rouleau de gestion des couverts végétaux

Vous êtes le nouveau président du cluster machinisme. Pourquoi y avoir adhéré au moment de sa création et quels sont vos souhaits pour son développement ? 

La première raison pour laquelle j’ai adhéré au cluster est qu’il permet de créer du lien, des échanges et du partage entre les adhérents, et de sortir de l’isolement le chef d’entreprise. Le fait de tous être liés à un métier commun qui a du sens pour nous tous est très enrichissant sur les plans humain, technologique, réglementaire, etc. 

En tant que président, il y a bien évidemment des points de progression que j’ai identifiés. Je trouve qu’on pourrait gagner encore en visibilité, nous ne sommes pas suffisamment connus, même par certains constructeurs agricoles de la région. Je pense qu’il faudrait pour cela que nous portions des projets fédérateurs de plus grande envergure autour desquels plusieurs adhérents travailleraient conjointement. Aussi, en termes d’identité, je pense que la mission du cluster n’est pas assez explicite vue de l’extérieur. Il y a une clarté à apporter dans le discours. Je souhaiterais également que l’on puisse développer l’aspect technique et réglementaire du cluster machinisme en mutualisant par exemple un ingénieur qui interviendrait chez les adhérents qui le souhaitent, même si cela demanderait des moyens que nous ne possédons pas encore…

 

Que pensez-vous de l’évolution du secteur du machinisme agricole ?

Le monde agricole change, le machinisme agricole qui en découle est donc également en perpétuelle évolution. Aujourd’hui, le monde agricole est selon moi segmenté en deux grandes parties, avec des acteurs très gros, tournés vers l’agro-industrie, mais aussi des très petits qui font de la vente directe avec du bio par exemple et qui s’adressent à une clientèle plus aisée. Je me demande comment ces modèles vont perdurer avec les climats qui changent et la réduction ou dégradation des ressources.

Un constat évident est que les exploitations agricoles grossissent, alors que les agriculteurs sont de moins en moins nombreux. En effet, désormais, lorsque les agriculteurs partent à la retraite, les terres sont rachetées par d’autres agriculteurs. Il faut donc du matériel plus gros pour intervenir de manière rapide. Le changement climatique a également une incidence sur le secteur, il fait plus chaud et plus sec plus longtemps. Par exemple, les périodes pour les semis sont de plus en plus réduites, il faut donc du matériel plus productif pour faire ce travail en quelques jours, alors qu’il se faisait avant en plusieurs semaines. 

Enfin, même si ce n’est pas la voie suivie en France depuis plusieurs années, il faut rappeler qu’il ne peut pas y avoir d’agriculture durable sans élevage. Certes, il faudra apprendre à manger moins de viande, certes il faut refuser les élevages agro-industriels, mais la conception traditionnelle qu’on désigne sous le nom de polyculture-élevage – plusieurs productions végétales sur une exploitation agricole où il y a aussi une production animale – garde tout son sens.

Pourquoi ? Parce que les déjections animales serviront ensuite d’engrais naturels pour les cultures agricoles et permettront d’entretenir la vie du sol – bactéries, champignons… -, le rendant ainsi plus résilient face aux bouleversements liés aux changements climatiques (sécheresse, excès d’eau…). L’intérêt agronomique qui provient de cette ressource en fertilité naturelle est inestimable.

Vous l’avez compris. En tant qu’agriculteur, industriel et président du Cluster machinisme, ma vision est de remettre l’agronomie au centre de nos pratiques.