Que ce soit pour des raisons économiques ou environnementales, la question de l’énergie est devenue un sujet majeur dans le débat public. Les besoins croissants en énergie posent de nombreuses questions notamment sur les ressources disponibles, les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) ou encore sur les types d’énergie à utiliser dans le futur.
Consommateur d’énergie, le secteur agricole n’échappe pas à cette question. L’inflation ne cesse d’impacter économiquement les exploitations agricoles, rendant obligatoire la recherche de solutions pour modérer la consommation d’énergie, notamment d’origine fossile, afin de réduire également les émissions de GES. Sur ces questions, le secteur agricole peut jouer un autre rôle en étant également producteur d’énergies renouvelables.
Lors du 10ème forum AGRINOVEMBRE, qui s’est tenu le 12 novembre dernier à l’Espace d’Albret de Nérac, Agrinove a souhaité aborder ce sujet en mettant en lumière quelques aspects de la question énergétique dans le secteur agricole, mais aussi industriel, lors d’une table ronde.
Transition énergétique dans l’industrie : le rôle des chaudières innovantes
La société Babcock Wanson, implantée à Nérac, est spécialisée dans la fourniture d’équipements et de solutions de chaufferie industrielle et a la volonté d’être un acteur important de la transition énergétique. Au cours de la table ronde François Blin, Directeur industriel, et Delphine Morel-Chevillet, Responsable développement, ont présenté deux projets répondant à cette volonté.
Réduction de CO2 grâce aux chaudières électriques
Le premier concerne la production de chaudières électriques de puissance. En utilisant l’électricité comme source d’alimentation en lieu et place de combustible fossile, elles garantissent zéro émission de CO2 sur le site de production. Le développement de ce type de chaudière est devenu indispensable pour répondre aux enjeux actuels d’optimisation énergétique et de décarbonation.
Pour produire ces chaudières électriques, la société a besoin d’un nouvel outil industriel. Ce sera le cas à la fin du premier trimestre 2026, lorsque le nouveau site de production sera implanté sur la technopole AGRINOVE.
Le projet CH0C : Vers des chaudières bas carbone
Le second sujet concerne le développement d’une chaudière de nouvelle génération : Babcock Wanson fait partie d’un consortium de 16 entreprises rassemblées autour du projet CH0C. Ce projet a pour objet de développer une chaudière bas carbone. Le concept de ce démonstrateur est de récupérer les émissions de CO2 de la chaudière pour les réutiliser. Pour cela, il est nécessaire de faire fonctionner la chaudière avec de l’oxygène pur pour ne pas polluer les fumées (CO2) avec de l’azote ; d’après Delphine Morel-Chevillet, c’est là que réside le défi technique.
Il est à noter que ces avancées techniques dans le monde industriel pourront être utilisées en agriculture, notamment dans le domaine de la production sous serre, où l’utilisation de chaudière est nécessaire pour chauffer les abris.
La méthanisation : une énergie renouvelable souvent issue de l’agriculture
MethAlbret : Un projet collectif pour une énergie locale
L’unité de production de biogaz MethAlbret, située à proximité de Mézin (Lot-et-Garonne), est un projet collectif et local, regroupant sept agriculteurs et la Société d’Economie Mixte Avergies 47. Pour Julien Chapolard, agriculteur et associé de la société, la réussite du projet réside dans le fait que c’est un projet de territoire, mené par et pour des agriculteurs.
Cette unité de production est d’abord une solution de gestion des déchets agricoles, essentiellement des effluents d’élevage, mais aussi des déchets végétaux de culture (tomate, fraise, couverts végétaux…). Il n’y a pas de cultures produites pour faire fonctionner le méthaniseur. Julien Chapolard insiste sur la nécessité de sécuriser l’apport de matières, ce qui est une condition essentielle à la réussite d’un projet de méthanisation.
Le biogaz produit est réinjecté dans le réseau et consommé localement. Cette production d’énergie renouvelable permet de répondre aux enjeux environnementaux locaux, puisque la Communauté de communes Albret Communauté s’est engagée dans une démarche de Territoire à Energie Positive (TEPOS). Cet été, le méthaniseur a permis de couvrir les besoins en gaz de la commune de Nérac (7 000 habitants).
Des revenus stables et des fertilisants naturels
La vente du biogaz assure aux agriculteurs des revenus fixes et réguliers, complémentaires aux revenus agricoles qui sont eux très fluctuants. Cette diversification contribue à la pérennisation des sept exploitations agricoles impliquées dans le projet.
Enfin, la méthanisation offre également l’avantage de produire des fertilisants organiques naturels. La matière résiduelle issue du processus est riche en éléments fertilisants. Son utilisation permet de réduire l’apport d’engrais chimiques.
Le photovoltaïque : une source d’énergie propre et innovante
Des équipements solaires pour la protection des cultures
A l’instar de la méthanisation, lorsqu’on parle de photovoltaïsme en agriculture, on pense souvent à une solution de production d’énergie. Or, le solaire est également utilisé comme source d’énergie dans certains équipements. L’énergie solaire présente l’avantage d’être une énergie renouvelable et sans émission de GES.
C’est le cas de la société MO.DEL, primée lors de notre concours de l’innovation 2024, qui a choisi d’équiper sa solution de protection de la vigne de panneaux solaires, pour fournir l’énergie nécessaire aux différents mouvements de l’abri.
Le Viti-tunnel : Protection climatique et réduction des intrants
Le Viti-tunnel est une solution innovante qui vise à protéger la vigne des aléas climatiques et à réduire l’usage des traitements phytosanitaires. M. Marange, Directeur Général de la société, précise que la réduction des intrants est le point de départ du projet.
Le dispositif permet de déployer une bâche en moins d’une minute pour couvrir les rangs de vigne. Le système assure une protection efficace contre les intempéries (grêle et pluie), et permet de lutter contre les maladies pluvio-dépendantes, telle que le mildiou. La végétation étant moins soumise à la pluie, il y a moins de développement de maladie, ce qui permet de réduire considérablement les traitements phytosanitaires.
Recherche de nouvelles énergies, la question de l’hydrogène
Les promesses de l’hydrogène renouvelable
Comme dans beaucoup de secteurs d’activités, la question concernant les énergies que l’on utilisera demain intéresse le secteur agricole et plus particulièrement les agro-équipementiers. Joël Gorostidi, témoin de cette table ronde et ancien Président du Cluster Machinisme, indique que cette question est régulièrement abordée lors des réunions du Cluster Machinisme.
Ainsi, des constructeurs de matériel agricole se tournent progressivement vers l’électrification de leurs machines, qui offre des avantages non négligeables, à commencer pour les utilisateurs de ces équipements.
Parmi les différentes pistes, l’hydrogène semble être une solution séduisante. Dans son introduction, Gwenael Bournic, Président d’Hydrogène Vallée, rappelle que l’hydrogène, à de très rares exceptions près, n’est pas une source d’énergie. En effet, l’hydrogène que l’on utilise actuellement ne provient pas de gisements naturels, mais de la transformation d’éléments chimiques comportant de l’hydrogène (le méthane, l’eau…).
Actuellement, la grande majorité de l’hydrogène produit l’est à partir d’hydrocarbure. Cette production est fortement carbonée, elle est d’ailleurs nommée hydrogène carboné. Une autre voie est de produire l’hydrogène à partir d’eau grâce à l’électrolyse. Si l’énergie nécessaire à cette technique est renouvelable, on parlera alors d’hydrogène renouvelable. On peut également produire de l’hydrogène à partir de la biomasse. Toutefois l’utilisation de la biomasse pour d’autres utilisations semble plus intéressante. Dans tous les cas, la production d’hydrogène nécessite beaucoup d’énergie.
Défis de stockage et applications industrielles
La difficulté de stocker et donc de transporter l’hydrogène est un autre inconvénient. Il y a également les piles à combustible1 qui peuvent être utilisées dans le domaine du transport ; certains tractoristes travaillent sur cette question, mais actuellement leur coût est très élevé.
Pour Gwenael Bournic, l’hydrogène n’est pas la solution magique qui va remplacer rapidement les énergies fossiles. Par contre, il considère qu’il faut à la fois chercher à réduire nos consommations en énergie et continuer d’explorer de nouvelles sources de production, comme avec l’hydrogène par exemple.
La nécessité de trouver des alternatives aux énergies fossiles, du fait de leur raréfaction et de leur impact sur l’environnement, offre les conditions favorables à la créativité, que ce soit en matière d’innovation, ou de recherche de solutions plus efficaces ou plus sobres. Dans cette démarche, le secteur agricole apporte sa contribution, ce que l’on constate chaque année dans les projets qui sont présentés au concours de l’innovation Agrinove.
Si vous vous demandez comment intégrer ces énergies dans nos matériels agricoles d’aujourd’hui, Joël Gorostidi vous répondra que cela passera forcément par des investissements. Le besoin et l’envie d’investir sont toujours présents pour les entreprises de machinisme, mais la prudence est de rigueur. Le secteur agricole bénéficie d’aides pour l’investissement, mais cela reste toujours plus difficile pour les petites entreprises d’obtenir les financements nécessaires.
Quoi qu’il en soit, il est nécessaire d’après lui de maintenir l’investissement pour faire avancer le secteur en se tournant vers des solutions comme la mutualisation des investissements entre petites entreprises.
De manière générale, le regroupement des compétences et des savoirs sera indispensable pour pouvoir se développer. C’est dans cet esprit que le Cluster machinisme a été créé en 2013.
1 Le principe est de créer une réaction électrochimique entre l’hydrogène et l’oxygène de l’air. Cette réaction produit de l’électricité, de l’eau et de la chaleur, sans émettre de CO2.