D’après l’ADEME, la méthanisation est un « processus de production de biogaz par fermentation de matière organique en l’absence d’oxygène (anaérobie) et sous l’effet de la chaleur. C’est une source d’énergie non continue et stockable ».
Les effluents d’élevage, les matières végétales d’origine agricole ou naturelle, les déchets de l’industrie agroalimentaire, les biodéchets, etc., sont des exemples de déchets organiques qui peuvent être utilisés.
Ces déchets sont placés dans une grande cuve appelée digesteur, qui va être chauffée afin d’aider au développement de bactéries, mais également étanchéifiée pour obtenir un milieu sans oxygène.
Le biogaz produit peut ainsi être valorisé de nombreuses manières, sur ou hors des exploitations :
- En biométhane injecté dans le réseau après purification ;
- Par cogénération : production simultanée de chaleur et d’électricité ;
- Par production de chaleur seule ;
- Par production de biocarburant bioGNV (Gaz Naturel pour Véhicules).
Enfin, le digestat, résidu subsistant à l’issue du process décrit succinctement plus haut, permet d’enrichir les terres agricoles, une fois restitué au sol par épandage.
Agrinove s’est très tôt intéressé à la méthanisation, comme nous allons le voir maintenant.
En clôture du forum Agrinovembre 2022, Dominique Bousquet (GAEC de Lapourcal), à droite sur la photo, poursuit les échanges sur la méthanisation avec un autre éleveur, Jacques Chapolard.
La méthanisation à l’échelle de l’exploitation agricole
Le lancement de notre concours national « innovations pour l’agriculture » en 2014 nous avait permis d’enregistrer, à la date de clôture de dépôt des dossiers, 28 candidatures recevables dont deux déjà concernaient la méthanisation. Il s’agissait alors de projets relativement modestes, pensés à l’échelle d’une exploitation. Le dispositif NENUFAR, porté par l’entreprise du même nom, se caractérise par son innovation brevetée : la couverture de fosse récupératrice de biogaz et d’eau de pluie.
Autour de cette innovation, la PME a élargi son expertise dans les domaines du traitement et de la valorisation du biogaz mais aussi plus largement de la performance énergétique, économique et environnementale en élevage. Son procédé peut au choix produire de la chaleur, générer de l’électricité ou encore optimiser une unité de méthanisation déjà existante, en s’adaptant au plus près de la réalité du terrain.
Même volonté pour le GAEC de Lapourcal, basé en Lot-et-Garonne, exploitation familiale en polyculture-élevage sur 70 hectares, pour qui la problématique de gestion et valorisation des déchets est centrale. L’unité de méthanisation implantée au cœur de cette structure agricole permet de traiter 3 500 tonnes de matière, dont l’essentiel provient du fumier bovin produit sur l’exploitation.
L’énergie ainsi produite est valorisée en cogénération pour produire de l’électricité. A l’heure actuelle, à partir de cette première étape, la génération suivante d’agriculteurs envisage de valoriser sur place l’ensemble des déchets à leur disposition.
Ce développement permettrait également de changer l’orientation de la valorisation énergétique, en passant de la production électrique (cogénération) à la production de gaz (épuration). La cogénération ne permet pas de valoriser toute l’énergie du biogaz à cause du rendement énergétique du moteur et de la génératrice. Épurer le gaz et l’injecter dans la canalisation de leur village permettrait de valoriser 100 % des molécules de méthane recyclées.
Enfin, l’enjeu principal de ce projet, c’est d’assurer la fertilité des sols avec un engrais organique renouvelable produit localement. Ainsi, l’exploitation ne serait plus dépendante des engrais chimiques de synthèse.
La méthanisation collective entre agriculteurs
C’est une réflexion finalement assez comparable qui est à l’origine du projet Meth’Albret, qui réunit aujourd’hui 7 agriculteurs et la SEM Avergies autour d’un projet de territoire qui s’est concrétisé en 2024. En effet, le raccordement au réseau de gaz de l’unité de méthanisation de Mézin permet désormais de valoriser environ 20 000 tonnes par an de matières organiques locales (lisier, fumier de cheval, tomate, couverts végétaux, etc.), qui n’étaient jusqu’à présent que des déchets dans les exploitations concernées. A l’autre bout du processus, le gaz vert produit représente l’équivalent de la consommation de 1 300 habitants.
Rien de très innovant direz-vous, mais il faut souligner que pareil projet collectif ne se décrète pas ; ici, le fait que la plupart des agriculteurs soient déjà habitués à mutualiser leur matériel, car adhérents de longue date au sein du réseau des CUMA, a sans doute joué. Autre point fort, pas si fréquent : le site choisi pour implanter l’unité de méthanisation n’a donné lieu à aucune réaction épidermique, la concertation en amont entre agriculteurs, acteurs locaux et élus ayant sans doute permis de trouver le meilleur compromis. Enfin, le fait que les exploitants soient aujourd’hui autonomes au niveau des apports et qu’ils puissent récupérer un digestat alternatif aux engrais chimiques est un autre point positif, qui fait beaucoup pour améliorer l’acceptabilité de tels projets.
Visite du site de Mios en Gironde fin octobre 2025. Sur la photo, de gauche à droite :
Antoine Beneteau (CVE Group), Hubert Cazalis (Agrinove), Nicolas Lacombe (Agrinove / Mairie de Nérac), Patrick Golfier (Agrinove / Mairie de Nérac), Jean-François Tuffery (Mairie de Nérac) et Cyril Galtié (SEM 47).
La méthanisation à l’échelle d’un territoire
Ce type de projets collectifs se développent également parfois à l’échelle d’un territoire plus large, à l’initiative d’une collectivité locale ou via un partenariat public-privé. C’est le cas du méthaniseur de Mios (Gironde), porté par le Groupe CVE – « Changeons notre Vision de l’Energie » -, avec le soutien de plusieurs acteurs publics dont la commune de Mios et la Communauté d’agglomération locale.
Sur un rayon d’une trentaine de kilomètres autour du site, l’unité collecte près de 20 000 tonnes annuelles de matières organiques. Les matières récupérées proviennent de la restauration collective, de supermarchés et industries agro-alimentaires (bio-déchets), d’élevages équins (fumier) et de l’agriculture pour les matières végétales.
A l’issue de ce procédé, le site produit du biométhane (équivalent de la consommation en gaz de plus de 2 000 foyers) ainsi que du digestat, engrais organique qui retourne aux prairies et cultures locales.
Les élus et la direction d’Agrinove ont pu visiter ce site récemment, car un tel projet aurait son intérêt en Albret, où, sur un bassin de vie de 30 000 habitants, les activités décrites plus haut sont nombreuses : restauration collective, que ce soit pour nos jeunes ou nos aînés, supermarchés, élevage, agriculture, etc. Pour que cette possibilité se concrétise, ce sont ces apports potentiels qu’il convient de quantifier précisément afin de dimensionner au plus juste le futur méthaniseur et aussi de choisir judicieusement son emplacement.
Enfin, la visite du site de Mios a aussi permis de se rendre compte que de tels projets ont un impact mesuré sur l’environnement, excepté l’emprise de terrain nécessaire (de 2 à 3 hectares environ) : pas de nuisances olfactives ni sonores, transport routier raisonnable (environ 10 camions /jour), etc.
Remise des prix du concours Agrinove en juin 2025 :
Vincent Bachet (OCTOMETHA), lauréat du 3ème prix, Pascal Legendre, élu d’Agrinove, Nicolas Lacombe, Président d’Agrinove (de gauche à droite)
Innover pour élargir l’accès à la méthanisation agricole
Comme on le voit, la diversité des programmes de méthanisation et des réalisations abouties est réelle et montre comme il est important de partir de la réalité du terrain et notamment des potentiels apports organiques avant de dimensionner son projet. Cet article n’a pas permis par ailleurs d’évoquer les spécificités techniques de tel ou tel site. C’est pourquoi, afin de refermer la boucle, nous dirons un mot sur la Société OCTOMETHA, créée en mai 2023.
OCTOMETHA propose une solution innovante de méthanisation en voie solide continue, également qualifiée de voie pâteuse, spécifiquement conçue pour valoriser les coproduits agricoles fibreux (pailles, fumiers, litières), peu adaptés aux technologies en voie liquide. En France, la méthanisation agricole repose majoritairement sur des technologies en voie liquide, conçues pour utiliser des intrants homogènes comme le lisier ou l’ensilage de maïs. Or, dans les exploitations agricoles, le gisement majoritaire se compose de coproduits fibreux.
L’objectif de l’entreprise est de rendre accessible la méthanisation à un plus grand nombre d’agriculteurs, notamment aux exploitations de petite et moyenne taille, en leur proposant une solution compacte, modulaire, clé-en-main, à retour sur investissement rapide, tout en favorisant une production locale d’énergie renouvelable.
En bref, une innovation de plus au service de l’agriculture, qui a permis à son promoteur, Vincent Bachet, de remporter au printemps dernier le 3ème prix du concours Agrinove 2025. Bravo !
Sources :
– ADEME, « La méthanisation en dix questions », sur le site https://www.ademe.fr/
– https://methanaction.com/ : dispositif d’accompagnement à la méthanisation en Nouvelle-Aquitaine.
– www.octometha.com : site Internet de la société du même nom.