Agriculture et changement climatique : comment s’adapter ?

Les conséquences du changement climatique ne sont plus une hypothèse lointaine. Aujourd’hui, elles sont présentes chaque année dans les champs et les élevages. Sécheresses plus longues, vagues de chaleur, épisodes de gel tardif ou inondations : la liste des aléas climatiques s’allonge tous les ans. Ces phénomènes météorologiques fragilisent les systèmes de production agricole, qu’elles soient animales ou végétales, et questionnent la sécurité alimentaire à court et à long terme.

Consciente de ces enjeux, la technopole Agrinove a consacré en 2021 son forum, Agrinovembre, au thème « Autres climats, autres agricultures ». Le programme de cette édition, constitué de tables rondes et d’échanges, a permis de croiser les regards d’agriculteurs, d’experts et d’innovateurs sur les solutions d’adaptation à inventer ou à généraliser pour répondre au dérèglement climatique.

Dans ce contexte, la capacité d’adaptation des agriculteurs devient un enjeu majeur. Beaucoup le constatent : il faut évoluer, réduire les émissions de gaz à effet de serre et trouver des solutions concrètes pour préserver les cultures agricoles.

impact des changements climatiques en agriculture

Les impacts du changement climatique sur l’agriculture française

Partout en France, les aléas climatiques gagnent en intensité. Dans le Sud-Ouest, la sécheresse et le manque d’eau fragilisent les cultures de maïs et autres céréales et réduisent les rendements. Les producteurs voient parfois disparaître plusieurs mois de travail en une saison, cela entraîne une baisse directe de leur revenu et des stocks alimentaires plus faibles pour le bétail.

En Nouvelle-Aquitaine, les viticulteurs sont particulièrement exposés au dérèglement climatique. Les fortes chaleurs accélèrent la maturité du raisin. Le vin peut devenir plus alcoolisé et perdre une partie de ses arômes. Cela change la qualité du produit final, avec des saveurs moins équilibrées, parfois moins appréciées des consommateurs. Il y a également les gelées printanières, combinées à la précocité de la végétation due à des hivers plus doux, qui détruisent les jeunes bourgeons et réduisent la récolte, entraînant une baisse des volumes de production. La grêle, de plus en plus fréquente, peut anéantir une parcelle en quelques minutes en brisant les grappes et en endommageant les feuilles.

Ce phénomène touche aussi  les maraîchers, qui redoutent les orages violents et les grêlons qui peuvent détruire les cultures en un minimum de temps. Ces pertes entraînent des pénuries ponctuelles et des prix plus élevés pour le consommateur.

Dans le Centre et le Massif central, les éleveurs font face à un manque de fourrage. La sécheresse limite la pousse de l’herbe, obligeant à acheter des compléments plus coûteux. Cela pèse sur les marges des agriculteurs et fragilise la rentabilité de leurs exploitations.

Ces événements extrêmes se répètent d’année en année. Ils rappellent que l’adaptation n’est plus un choix, mais une nécessité pour préserver la souveraineté alimentaire, la qualité des produits et la pérennité des productions françaises.

Des pratiques qui évoluent pour s’adapter aux aléas météorologiques

Face aux événements climatiques de plus en plus marqués, de nombreux agriculteurs choisissent de repenser leurs façons de produire. L’agroécologie fait partie des solutions qui gagnent du terrain. Elle repose sur des principes simples mais efficaces : protéger les sols, favoriser la biodiversité et réduire l’usage de produits phytosanitaires.

Mais d’autres solutions se développent aussi :

  • L’agriculture de conservation, qui préserve la fertilité des sols, stocke du carbone et limite l’érosion grâce à un travail du sol réduit et une couverture végétale permanente
  • L’agroforesterie, qui associe arbres et cultures sur une même parcelle. Les arbres protègent les cultures du vent, apportent de l’ombre et améliorent la rétention d’eau
  • La sélection de variétés plus résistantes, capables de supporter la chaleur et le manque d’eau, ou l’introduction de nouvelles espèces mieux adaptées aux conditions climatiques
  • La diversification des cultures et des assolements, qui limite les risques en répartissant les productions
  • La gestion optimisée de l’eau, avec le développement de l’irrigation de précision pilotée par des sondes d’humidité, le paillage pour réduire l’évaporation ou encore la création de bassins de stockage
  • La transition vers plus d’automatisation et de numérique, avec des stations météo connectées, des capteurs qui surveillent l’état des cultures, des outils de modélisation des risques et des logiciels qui facilitent la gestion quotidienne

Ces pratiques renforcent la résilience des cultures face aux sécheresses et aux pluies violentes et aux épisodes de gel. Elles contribuent également à réduire les émissions de gaz à effet de serre en stockant du carbone dans les sols. Ces évolutions demandent des investissements, du temps et souvent un accompagnement technique ; mais elles montrent qu’il est possible de s’adapter et de limiter les risques liés au changement climatique en combinant plusieurs leviers à l’échelle de chaque exploitation.

La technologie comme alliée

Les outils numériques deviennent un atout précieux dans cette transition. Les exploitations innovantes aujourd’hui adoptent des capteurs connectés qui mesurent l’humidité du sol, la température de l’air ou le niveau de stress des cultures. Ces données aident les agriculteurs à ajuster leurs pratiques au quotidien.

Les stations météo prédictives permettent d’anticiper les événements extrêmes et de mieux organiser les interventions. Par exemple, les agriculteurs peuvent choisir d’irriguer juste avant un coup de chaleur ou de protéger certaines parcelles en cas de gel annoncé.

Des projets innovants illustrent cette dynamique. Le Viti-Tunnel, imaginé par Christophe Marange, a reçu le 2ᵉ prix du concours Agrinove 2024, qui soutient les solutions agricoles de demain. Cet équipement mobile protège les vignes des excès de chaleur, de la grêle et des orages tout en laissant passer l’air et la lumière. Il améliore ainsi la qualité et la santé de la vigne, en réduisant les passages des grosses machines dans les rangs.

Encore peu répandu, ce dispositif montre qu’il est possible de concilier innovation, performance technique et respect du végétal. Il reflète aussi l’objectif du concours Agrinove : faire émerger des solutions concrètes, pensées par et pour les agriculteurs.

Ces équipements demandent des investissements importants, mais ils offrent des perspectives concrètes pour mieux faire face au changement climatique et sécuriser les récoltes.

Des obstacles à la transition vers une autre agriculture

Malgré ces solutions et l’arrivée d’outils numériques performants, beaucoup d’agriculteurs ne peuvent pas s’équiper facilement.

Le coût d’un système complet (capteurs, stations météo, logiciels) reste trop élevé, surtout pour les exploitations de taille modeste. Ces investissements s’ajoutent à ceux déjà nécessaires pour moderniser l’irrigation ou tester de nouvelles cultures.

Le manque de formation est aussi un obstacle. Certains agriculteurs hésitent à utiliser ces outils par crainte de ne pas les maîtriser ou de ne pas en percevoir les bénéfices concrets.

Enfin, la transition prend du temps : il faut observer, expérimenter, ajuster. Dans un

contexte économique fragile, cette prise de risque peut sembler difficile à assumer, d’autant qu’en agriculture, il faut souvent plus de temps pour tester des nouveaux procédés à cause de la contrainte du plein air et de la saisonnalité.

Ces freins montrent l’importance d’un accompagnement adapté et de financements accessibles, pour que les nouvelles technologies deviennent un levier partagé par le plus grand nombre.

Le rôle des structures d’accompagnement

Néanmoins, les agriculteurs peuvent compter sur des réseaux et des dispositifs qui jouent un rôle déterminant. Les aides publiques, comme l’aide à l’assurance récolte ou les financements du PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles) en Nouvelle Aquitaine, apportent un soutien financier précieux. Elles permettent d’acquérir des équipements d’irrigation plus sobres, de moderniser les bâtiments d’élevage ou d’amortir les pertes liées aux aléas climatiques.

Les technopoles, comme Agrinove, accompagnent les porteurs de projet. Ils facilitent les mises en relation entre agriculteurs et entreprises innovantes. Cet accompagnement prend plusieurs formes :

  • Des bureaux et locaux à prix réduits dans une pépinière riche en rencontres
  • Des conseils sur le financement et les démarches administratives
  • Des échanges d’expérience avec d’autres entrepreneurs du secteur

Ces structures aidant au développement des innovations agricoles apportent un cadre rassurant et renforcent la confiance nécessaire pour passer à l’action.

Une dynamique collective à renforcer

S’adapter au changement climatique ne peut reposer uniquement sur l’effort individuel des agriculteurs. La transition vers une agriculture plus résiliente nécessite un élan collectif à l’échelle des territoires.

Les coopératives, les chambres d’agriculture, les pôles d’activités comme Agrinove, mais aussi les instituts techniques et les réseaux de recherches comme l’INRAE jouent un rôle essentiel pour diffuser les solutions, partager les expériences et accompagner la montée en compétences.

Ces organismes permettent  :

  • de mutualiser les investissements et les équipements (capteurs, outils de pilotage, systèmes d’irrigation),
  • de tester de nouvelles pratiques dans des conditions concrètes,
  • de former les agriculteurs aux technologies et aux méthodes les mieux adaptées à leur exploitation.

La sensibilisation des consommateurs et leur implication dans les choix alimentaires contribuent à donner du sens et de la valeur aux efforts entrepris par le secteur  agricole.

Ces dynamiques collectives demandent du temps et de la confiance, mais elles montrent qu’en combinant l’innovation technique, l’entraide et l’engagement de tous, il est possible de faire évoluer les systèmes agricoles vers plus de résilience et de durabilité.