Elles ont grandi avec Agrinove : retour sur le parcours de trois cheffes d’entreprise

Lors de l’ouverture de notre pépinière d’entreprises fin 2019, nous avions accueilli huit créateurs dont la moitié était des femmes. Nous avons demandé récemment à trois d’entre elles (Anne-Hélène, Frédérique et Lucie) de revenir sur ce parcours entrepreneurial et sur ces six années de partenariat avec l’écosystème Agrinove.

Inauguration de la parcelle expérimentale de houblon, Sainte-Livrade-sur-Lot, septembre 2019
Inauguration de la parcelle expérimentale de houblon, Sainte-Livrade-sur-Lot, septembre 2019

Trois parcours inspirants au cœur de l’écosystème Agrinove

Pour Lucie Le Bouteiller (Hopen Terre de houblon), la localisation d’Agrinove avait du sens, à mi-chemin entre Bordeaux et Toulouse et surtout pas trop loin de Sainte-Livrade-sur-Lot où leur parcelle expérimentale de houblon était en cours d’aménagement sur un terrain du lycée agricole. De plus, Hopen venait de remporter le concours Agrinove 2018, donc il semblait que le Lot-et-Garonne était vraiment prêt à accueillir cette nouvelle filière. De fait, le travail s’est alors surtout consacré sur l’amont jusqu’aux premières récoltes qui ont entraîné les premières ventes de houblon aux brasseurs (2021).

Dans le même temps, Anne-Hélène élaborait ses premières recettes, ce qui lançait les premières ventes de gin et permettait à l’entreprise de récolter très vite ses premières médailles sur des salons professionnels. Idem pour Frédérique qui, arrivée à Agrinove avec son produit phare, le Stop-it (une protection qui se place devant les ruches et sécurise les déplacements des abeilles face au frelon asiatique), a vite pu créer le Stop-it Max, afin de gagner en efficacité. Pour cette cheffe d’entreprise, c’est incontestable : « Agrinove m’a apporté de la notoriété : des articles dans la presse, la mise en relation avec l’association Force Femmes – ce qui m’a permis de remporter l’an dernier le Prix national des Entrepreneuses -, la rencontre récente avec notre sénateur, Monsieur Michel Masset, etc. ».

Pour Lucie, le soutien d’Agrinove a été de trois ordres : « d’abord financier, car le fait de remporter le concours et d’obtenir cette dotation a représenté un véritable effet de levier pour convaincre ensuite une banque et le Conseil régional. Ensuite, lors de la remise des prix, car il y a eu une vraie communication autour de notre projet au sujet de cette filière houblon naissante. Enfin, l’accompagnement d’Agrinove a permis de nous insérer plus vite dans un réseau départemental très riche, notamment au niveau agricole ».

Frédérique renchérit : « il ne faut pas non plus négliger la convivialité, la possibilité d’échanger avec des pairs, l’intérêt des formations ou ateliers proposés par exemple ou encore la richesse de rencontres plus impromptues qui sont fréquentes dans une pépinière d’entreprises ».

Et vous, qu’avez-vous apporté à Agrinove ?

Face à cette question qui la déstabilise un court moment, Anne-Hélène réagit : « j’ai toujours parlé d’Agrinove donc je suis une bonne prescriptrice ; j’ai pu aussi faire bénéficier le groupe de mes critiques constructives ; enfin, la notoriété de Grand Nez Spirits a bénéficié à Agrinove et vice-versa ». Idem pour Frédérique qui plaisante d’abord (« mon sourire » !) avant d’enchaîner : « je pense que ma petite entreprise peut être citée en exemple par Agrinove, ne serait-ce que pour son impact positif pour l’agriculture, l’environnement et la biodiversité ». Lucie conclue sur ce point : « il me semble que le scénario  » 1er prix du concours puis installation en suivant sur la pépinière d’entreprises  » était assez idéal pour vous comme pour nous ! Nous avions besoin d’être hébergées et accompagnées et vous aviez besoin d’accueillir des entreprises en lien avec l’innovation agricole ».

Pour autant, aucune n’accepte de qualifier son parcours entrepreneurial de « success story », d’abord et avant tout parce qu’il reste encore beaucoup à faire pour gagner en notoriété (Frédérique) et que cet essor impacte ensuite durablement le chiffre d’affaires (Anne-Hélène). Lucie, de son côté, si elle ne nie pas tous les points positifs de cette aventure, relève aussi son aspect épuisant et parfois inconfortable, voire précaire.

Mise en bouteilles des premières recettes de gin, pépinière d’entreprises Agrinove, début 2020
Mise en bouteilles des premières recettes de gin, pépinière d’entreprises Agrinove, début 2020

Y-a-t-il des parcours entrepreneuriaux, des façons de faire, spécifiquement féminins ?

Même si aucune ne souhaite répondre à cette question en se posant en victime (« aujourd’hui, il n’y a plus d’obstacle insurmontable », dixit Frédérique), toutes trois relèvent quand même que si les femmes vont aborder les choses sous un angle plus intuitif, plus sensible, moins frontal, elles peuvent aussi paraître plus perfectionnistes et donc moins rapides. Pour Anne-Hélène, « nous sommes peut-être plus solides sur nos créations d’entreprise, mais cela nous demande plus de temps, brique après brique ». Même ressenti chez Lucie, qui témoigne : « il me semble qu’une femme se remet plus fréquemment en cause, ce qui peut apparaître comme une plus grande fragilité, qui nuit par exemple lors de négociations, notamment commerciales, ou bien si on doit assumer un rôle de leadership. Nous ressentons encore parfois – souvent – le syndrome de l’imposteur, alors qu’un homme qui a besoin de 1 va demander 2, au culot » !

Plus préoccupant : Anne-Hélène se souvient avoir entendu lors de la création de son entreprise qu’une femme seule ne pourrait pas y arriver, « à tel point que j’ai pu douter de ma capacité à créer ». Frédérique confirme ce ressenti : « même si on ne me l’a jamais dit ouvertement, une femme qui invente en apiculture… ce n’est pas normal ! Une femme ne peut pas inventer, elle n’a pas le cerveau fait pour ! C’est ce que je ressentais en tous les cas ». Lucie témoigne : « lorsque j’arrive avec un collègue commercial homme et que nous nous présentons rapidement, nos interlocuteurs ne me catégorisent pas, a priori, comme cheffe d’entreprise car je suis une femme et que je suis jeune. C’est un peu un délit de faciès, même inconscient ! Donc, en général, notre interlocuteur s’adressera d’abord à l’homme qui m’accompagne ».

Quels conseils pour les futures créatrices d’entreprise ?

Face à cette ultime question, Frédérique n’hésite pas : « beaucoup de courage, d’envie, de motivation ! Bien se faire conseiller avant. Avant tout, croire en soi et avoir une grande capacité de résilience ».

Anne-Hélène complète : « il faut d’abord être sûr du pourquoi on veut se lancer. Par exemple, la liberté est un argument souvent mis en avant, or il ne faut pas oublier que nous pensons à notre entreprise 7 jours sur 7. La responsabilité est pour nous, le risque aussi, à commencer par celui de l’isolement ».

Et Lucie conclut : « d’abord, être extrêmement bien accompagnée ! Le réseau, le réseau, le réseau ! Cet écosystème permet vraiment d’avancer. Ensuite, si c’est possible, avoir une ou deux expériences professionnelles avant de se lancer, pour mieux connaître le milieu entrepreneurial et les métiers. Sinon, c’est passionnant, mais c’est plus difficile et plus épuisant, surtout si on ajoute la précarité qu’on connait si on se lance sans parachute. A notre niveau, démarrer en étant si peu expérimentées, a entraîné un inconfort constant, qu’on aurait sans doute moins ressenti si on avait été un peu plus matures professionnellement parlant ».

Présentation du Stop-it Max à Agrinove, été 2022
Présentation du Stop-it Max à Agrinove, Nérac, été 2022

Perspectives et vœux pour l’avenir

Alors, que souhaiter à ces trois cheffes d’entreprise ? Frédérique souhaite obtenir bientôt des tests probants et objectifs sur l’efficacité de son dispositif et vendre ainsi davantage de Stop-it, partout, en France et à l’international ! Anne-Hélène renchérit : « parvenir à un niveau d’équilibre suffisant pour sécuriser l’entreprise, gagner en notoriété et stabiliser une petite équipe de travail ». Même son de cloche pour Lucie (sérénité pour elle, stabilité pour l’entreprise) qui mentionne de nouveaux projets en cours – sur la création variétale ou l’élargissement de leur partenariat par exemple – qui sont toujours facteurs de motivation !

Spéciale dédicace : Bienvenue à Audrey Donis (Holitrends  beauty)

Au moment de mettre un point final à cet article, il nous paraît normal de le dédicacer à Audrey Donis, la dernière cheffe d’entreprise à avoir rejoint Agrinove en juin dernier en y installant sa structure « Holitrends Beauty« . Sans avoir encore lu cet article, il nous semble qu’Audrey met déjà en pratique les conseils donnés plus haut, que ce soit au-travers de sa formation initiale et de son expérience professionnelle antérieure d’une part, mais aussi grâce à sa volonté d’être accompagnée dans son projet entrepreneurial en participant activement à la vie de notre pépinière d’entreprises d’autre part.

Cet article a été écrit sans le recours à l’intelligence artificielle mais grâce à l’intelligence collective…