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Concours Agrinove 2025 : BioAZ, les biotechnologies au service de la santé animale

Chaque année, le concours Agrinove met en lumière des porteurs de projets innovants qui façonnent l’agriculture de demain. En 2025, le jury a récompensé BioAZ, une start-up fondée par Romain Delcombel, qui développe, entre autres, une alternative biologique à la castration des porcs, alliant performance et bien-être animal.

Au croisement de la recherche scientifique et des besoins concrets des éleveurs, son innovation s’attaque à une problématique complexe, que les approches existantes peinent encore à résoudre efficacement.. En s’appuyant sur la biotechnologie, BioAZ ambitionne d’apporter une réponse simple, sûre et industrialisable à l’échelle mondiale.

Nous avons rencontré Romain Delcombel à la veille de la remise des prix. Il revient avec nous sur son parcours, l’origine du projet, les étapes franchies et les prochaines perspectives pour son entreprise.

Romain Dlecombel fondateur de Bio'az

 

Bonjour Romain, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 

Je suis vétérinaire de formation, passionné par la recherche et le développement (R&D) de médicaments en santé animale. Après une thèse de doctorat en biologie moléculaire sur des innovations biotechnologiques et une école de commerce, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans des start-ups et dans un grand groupe pharmaceutique vétérinaire sur le développement de médicaments. Au cours de ce parcours, j’ai pu travailler sur toutes les étapes  de la recherche fondamentale jusqu’aux derniers essais cliniques avant l’enregistrement des médicaments. 

En 2021, j’ai décidé de créer ma propre structure pour mettre mes compétences au service de projets alignés avec mes convictions. Avec deux associés et en étant accompagnés par l’ incubateur H24 à Périgueux, nous avons monté un projet pour répondre aux besoins liés à la castration des porcs et petit à petit, nous avons investi dans notre projet, obtenu des subventions, et commencé à développer notre solution. 

 

Comment est né le projet BioAZ ?

Le sujet remonte à 2008, lors de mon travail de fin d’études vétérinaires : on m’a demandé de présenter un travail sur l’odeur de verrat et les alternatives à la castration des porcs. Puis, dans le groupe pharmaceutique où j’occupais un poste en open innovation, on m’a demandé de travailler à nouveau sur ce sujet. Cet enjeu restait complexe à défendre puisqu’il représentait un impact financier moindre par rapport aux projets sur lles chiens et les chats. 

Pour bien comprendre, on castre les porcs dès la naissance pour éviter le développement d’une odeur désagréable dans la viande à la cuisson, une odeur directement liée à l’activité hormonale des testicules, et de fait, sans cette castration, la viande est rejetée par les consommateurs

La castration à vif était alors la norme, mais elle posait déjà de nombreuses questions éthiques et techniques, avec une certaine prise de conscience sur les pratiques d’élevage et le bien-être animal au début des années 2000.

Depuis 2022, cette pratique de castration est interdite en France sans anesthésie, mais même pratiquée sous anesthésie, elle reste problématique et engendre de la douleur et de potentielles complications pour l’animal. En plus de ça, il y a des conséquences aussi pour l’éleveur : du temps et du travail supplémentaire qui nécessitent de la main d’œuvre et de l’argent pour acheter les produits nécessaires. 

Il existe des alternatives, mais elles ne sont pas satisfaisantes. C’est pour cela que j’ai voulu proposer une autre voie, basée sur la biotechnologie, avec la volonté de limiter l’impact négatif sur le bien-être animal, dans le respect de l’environnement et en répondant à un vrai besoin des éleveurs de porc. 

Quelle est la solution que vous avez développée avec BioAZ ?

Ce que l’on propose comme alternative, c’est de ne plus du tout toucher aux testicules, mais d’avoir recours à un produit injectable. Nous avons conçu une injection biologique unique qui met au repos les testicules des porcs, évitant ainsi la production des hormones responsables de l’odeur de verrat. L’animal reste intègre mais ses testicules ne fonctionnent plus, parce qu’on a arrêté les signaux d’activation qui produisent ces hormones. 

Contrairement aux vaccins existants, qui nécessitent deux injections et une manipulation complexe, notre solution fonctionne avec une seule injection, sans laisser de trace visible dans la viande, sans douleur, et avec une administration possible dans n’importe quelle zone musculaire. C’est une solution plus simple, plus respectueuse du bien-être animal

De plus, le produit de BioAZ est spécifique au porc, ce qui le rend plus sûr pour les éleveurs : il n’y a pas de risque d’entraîner une auto-castration en cas d’injection accidentelle. 

 

 

Sur quoi repose cette innovation ?

Notre solution mime des anticorps retrouvés naturellement chez les camélidés, qui sont de petite taille, très spécifiques, et que l’on peut produire facilement dans des levures. Ce sont des molécules biologiques, sans danger pour l’homme, et totalement biodégradables. L’objectif est d’avoir un effet rapide, reproductible, et compatible avec une industrialisation à grande échelle. Contrairement au vaccin d’immunocastration actuellement disponible qui d’un point de vue composition est issu d’un procédé chimique et nécessite deux injections, avec notre solution biologique, on injecte des anticorps qui vont fonctionner tout de suite après l’injection unique. 

 

 

Quels ont été les grands défis rencontrés et les grandes phases de développement pour BioAZ ?

Comme souvent en biotechnologie, les étapes sont longues : il faut convaincre, sécuriser les financements, expliquer notre technologie, dans un marché qui peut sembler peu « sexy » pour les investisseurs. Lever des fonds pour un médicament vétérinaire, ce n’est pas aussi simple qu’en santé humaine ou en tech ; mais je reste convaincu que le marché est là. On avance étape par étape, en restant concentrés.

  • 2021 : le projet est à l’état de concept, nous avons rejoint l’incubateur H24 pour définir le projet et signé un contrat avec un partenaire britannique pour affiner le design du projet 
  • 2022 : avec des fonds propres et l’aide de la région Nouvelle-Aquitaine et d’Initiative Périgord, nous avons créé l’entreprise et mené nos premières validations en laboratoire
  • 2023 : nous avons déposé notre brevet. Ce qui nous a permis d’obtenir une importante subvention du gouvernement (France 2030), de lever des fonds et structurer une équipe composée de vétérinaires et de chercheurs. 
  • 2024 : nous avons lancé les premiers tests sur des porcelets 
  • 2025 : aujourd’hui, nous travaillons à l’industrialisation et préparons les essais cliniques sur porcs adultes. Pour cela, nous allons clôturer une deuxième levée de fonds cet été.

 

 

Comment se positionne BioAZ par rapport aux autres solutions existantes ?

Aujourd’hui, les alternatives à la castration sont limitées : anesthésie plus chirurgie, vaccination en deux injections, ou pas de castration et tri des carcasses odorantes à l’abattoir. Ces méthodes ont toutes leurs limites : complexité, erreurs possibles, impact sur le comportement des animaux (agressivité chez les mâles non castrés) ou la qualité de la viande. Notre solution permet de contourner ces difficultés avec une approche unique, plus simple à utiliser et mieux acceptée par les éleveurs.

À titre d’exemple, sur l’usage du vaccin il y a plusieurs contraintes : c’est un procédé en deux injections localisées, il y a un vrai risque de stérilité pour l’utilisateur en cas d’auto injection, et une certaine difficulté de production

Avec notre solution, nous avons développé une molécule qui est vraiment spécifique pour le porc, le risque est quasi nul pour l’utilisateur, c’est facile à produire et cela ne nécessite qu’une seule injection.

 

 

Quels sont les autres projets portés par BioAZ ?

Nous travaillons également sur une alternative à la castration des chiens et une alternative aux antibiotiques pour les veaux, pour prévenir la cryptosporidiose. Le principe est le même : concevoir des solutions efficaces, sûres, respectueuses de l’environnement, et surtout économiquement viables pour les éleveurs. Nous explorons aussi des pistes sur d’autres espèces comme les vaches laitières… La volaille reste plus complexe pour des raisons techniques et économiques. Pour le moment, notre projet prioritaire reste la castration du porc, parce que c’est un besoin urgent qui est non satisfait et poussé par la législation. 

BioAZ adopte un modèle fondé sur le “derisking” technologique : cela sous-entend de concevoir, tester, sécuriser le produit jusqu’à un niveau de maturité suffisant, pour le transférer à un acteur industriel qui assurera l’enregistrement réglementaire et la commercialisation au niveau international. Ce choix permet de rester agile, concentré sur la R&D, tout en s’ouvrant aux logiques industrielles de grande échelle.

 

 

Comment avez-vous entendu parler du concours et qu’est-ce qui vous a poussé à y participer ?

Nous avons découvert le concours via notre réseau en Nouvelle-Aquitaine. C’était parfaitement aligné avec notre activité : on parle d’élevage, d’innovation, de solutions concrètes pour l’agriculture. Nous étions aussi à la recherche de visibilité, de retours extérieurs, et de mises en relation. Gagner ce concours, c’est une vraie reconnaissance, notamment parce que nous avons été évalués par des professionnels du secteur.

 

 

Quelles sont les prochaines grandes étapes pour vous ?

L’objectif est de finaliser l’industrialisation, prouver que notre solution fonctionne à grande échelle, qu’elle est sûre, efficace et peu coûteuse. 

Après des tests en laboratoire, les premières molécules ont été évaluées sur des porcelets. Deux nouveaux prototypes sont en test sur des porcs adultes. Les résultats sont prometteurs : la technologie fonctionne, elle est sécurisée et industrialisable

Les prochaines étapes concernent les essais cliniques et l’optimisation des procédés de production. Ensuite, nous visons un partenariat industriel pour l’enregistrement du produit. En parallèle, nous poursuivons le développement de nos autres projets. Notre horizon pour la mise sur le marché du produit, c’est 2030.

 

 

Comment voyez-vous l’avenir de l’agriculture avec des innovations comme la vôtre ?

L’élevage évolue : il y a de grandes tendances à tout contrôler, en se basant sur l’IA, c’est un sujet qui est déjà en marche. 

En revanche, il y a une pression forte et un vrai besoin sur le bien-être animal et les alternatives aux antibiotiques. Aller vers des choses simples et durables, c’est ça l’avenir. Les biotechnologies peuvent apporter des réponses concrètes, sans tomber dans une approche radicale. Je crois en une transition agroécologique intelligente, respectueuse de l’environnement et qui permette de faire gagner de l’argent à l’éleveur.

 

 

Un conseil à ceux qui veulent se lancer dans un projet agricole innovant ?

Validez votre besoin pour commencer, allez parler aux gens du terrain, discutez avec vos futurs utilisateurs, même avant d’avoir une solution. N’ayez pas peur de parler de ce que vous voulez faire, en protégeant d’abord votre innovation avec un brevet si nécessaire, mais la confrontation au terrain est importante pour faire évoluer votre solution. Parler aux gens du terrain permet de créer un cercle vertueux et donne un vrai coup d’accélérateur au projet. 

Selon votre profil, votre expérience, entourez-vous de partenaires techniques, et passez par une structure d’accompagnement pour construire un projet solide.