À l’image des équipements de notre vie quotidienne, l’électronique, l’automatisation et le numérique sont de plus en plus présents dans l’agriculture, certains parlent même d’agriculture 4.0 et de 3ème révolution agricole (après celles permises d’abord par de nouveaux itinéraires culturaux, puis par la mécanisation des exploitations).
L’ensemble de ces technologies apporte de profondes modifications aux agroéquipements et par voie de conséquence aux pratiques culturales.
Les robots et autres systèmes autonomes
Parmi les différentes innovations du monde agricole, la robotisation est la plus marquante. On pourrait la comparer à l’arrivée du tracteur. Dès les années 1980, différents laboratoires travaillaient sur la robotisation de certaines tâches comme la taille de la vigne où la récolte de pommes. Pour cette dernière, un prototype a même été expérimenté pendant plusieurs campagnes. La société Pellenc en partenariat avec le Cemagref (aujourd’hui INRAe) avait développé le robot Magali. Mais les technologies de l’époque n’étaient pas adaptées pour travailler en milieu extérieur. C’est pourquoi, pendant plusieurs années, la robotisation s’est cantonnée à l’élevage comme les robots de traite ou les robots d’alimentation.
Aujourd’hui, avec l’évolution des technologies, de nombreux constructeurs, souvent des start-up, proposent des robots. Ces robots interviennent dans différents secteurs comme le maraîchage ou la viticulture et pour différentes applications, travail du sol, désherbage, irrigation…
On peut citer quelques exemples comme NAÏO Technologies, FARMDROID, SITIA, VITIBOT, VITIROVER ou encore OSIRIS pour son robot d’irrigation en grande culture.
Les membres du cluster machinisme ne sont pas en reste puisque la société ELATEC travaille sur un robot de désherbage en maraîchage et la société LEGER sur un robot destiné à l’arboriculture.
Un autre axe de développement concerne les tracteurs autonomes. Dans un premier temps, c’était des tracteurs standards qui étaient équipés pour leur permettre de se déplacer en toute autonomie. L’avantage de ces systèmes est de pouvoir utiliser le tracteur de façon conventionnelle. Aujourd’hui, à l’image de New Holland, John Deere ou CASE IH, ce sont des tracteurs spécifiques, sans présence de conducteur, qui sont proposés. Dans ce cas, on se rapproche du robot.
À noter, que la législation en vigueur sur la sécurité des machines ne favorise pas le développement des matériels autonomes. La nécessité d’avoir un opérateur présent dans la zone d’intervention du robot réduit l’intérêt de ces machines. La modification, à venir, de la réglementation européenne, devrait apporter des réponses sur cette problématique.
Intégration de nouvelles technologies dans le machinisme agricole
Les différentes technologies utilisées dans la robotique, comme la géolocalisation, la vision ou encore l’intelligence artificielle sont également présentes dans le machinisme agricole.
Dans le domaine du désherbage mécanique, pour une plus grande précision d’intervention, certains constructeurs équipent leur matériel de système de guidage automatisé (vision ou GPS avec balise RTK). Dans certaines configurations, comme la présence d’un dévers, le seul guidage du tracteur n’est pas suffisant, il est nécessaire de pouvoir régler la position de l’outil de façon indépendante. Ainsi le travail du sol pourra se faire au plus près du rang, avec dans certains cas des systèmes permettant un désherbage sur le rang. Nouvel adhérent au cluster machinisme, la société BINNOVE propose une bineuse équipée d’un autoguidage.
Un autre exemple réside dans le domaine de la pulvérisation. Dans ce cas, les évolutions technologiques de ces matériels agricoles permettent de mieux localiser le produit et par voie de conséquence de réduire les doses (on peut aller jusqu’à 70 % de réduction). Pour les plus sophistiqués on parlera de pulvérisation ultra localisée. Grâce à des capteurs combinés à un logiciel informatique, la mauvaise herbe est distinguée de la culture ce qui permet une application précise du produit. Certains constructeurs intègrent de l’Intelligence Artificielle afin de permettre au système d’améliorer sa distinction entre plantes et mauvaises herbes, au fur et à mesure des travaux.
L’acquisition et la gestion des données au coeur de l’innovation
L’acquisition et la gestion des données connaissent un développement très important. Chaque année, plusieurs projets en lien avec cette thématique sont présentés au concours Agrinove.
Proposés depuis de nombreuses années, les logiciels de gestion de l’exploitation ne cessent d’évoluer. Candidat à la première édition du concours Agrinove et membre fondateur de la ferme digitale, la société EKILYBRE propose une solution open source. On trouve également des logiciels moins généralistes, qui concernent par exemple la gestion d’une exploitation viti-vinicole ou maraichère.
À ce type d’application traditionnelle, s’ajoutent aujourd’hui des solutions numériques pour des tâches très variées : évaluation de l’empreinte carbone, calcul de rentabilité d’une exploitation avec simulation de choix d’assolement, gestion de la maintenance d’un parc de matériel agricole ou encore le transport en commun de produit locaux. Ce service mutualisé de ramassage et de livraison en circuits de proximité est proposé par AGRIFLUX, lauréat de notre concours en 2019.
Dans le domaine de la « donnée », on citera les Outils d’Aide à la Décision (OAD). À partir de différentes données alimentant des logiciels de simulation et intégrant souvent de l’Intelligence Artificielle, ces outils évaluent par exemple les risques sanitaires sur une culture. L’agriculteur peut alors choisir la meilleure stratégie de lutte, mais également ajuster ses interventions en cours de campagne. L’idée est d’intervenir au bon moment et de façon utile.
Le développement de ces nouveaux types de matériel agricole et de ces différentes applications permet une évolution majeure vers ce que l’on nomme l’agriculture de précision. L’agriculture de précision vise notamment à limiter l’utilisation directe d’intrants dans les parcelles agricoles, tout en améliorant le bilan économique des exploitations agricoles.
La modulation intra-parcellaire de la fertilisation azotée est un exemple d’agriculture de précision. L’objectif est d’ajuster, au sein d’une parcelle, les apports en fonction des besoins précis de la culture. Pour cela, il est nécessaire d’avoir des données sur l’état de la parcelle. Ces données peuvent être fournies par des capteurs positionnés sur des satellites, des drones ou même sur des robots. En 2020, le jury du concours Agrinove a décerné le 2nd prix à la société MEROPY, pour son robot de surveillance des cultures. À partir de ces données, une « carte » dite de modulation de dose est alors élaborée, qui sera utilisée par le matériel agricole pour apporter la bonne dose au bon endroit dans la parcelle.
Si certaines de ces innovations dans le domaine de l’agroéquipement sont déjà présentes sur le marché, d’autres se heurtent à quelques difficultés (législatives, économiques, acceptabilité des utilisateurs…) pour être diffusées à grande échelle. Gageons que, dans quelques années, la présence dans les parcelles agricoles de robots ou autres matériels agricoles de plus en plus sophistiqués, soit aussi naturelle que celle d’un tracteur.